La forme Don Juan

Après le naufrage de Don Juan navire et la mise en cause radicale du principe même d'une « représentation », la difficulté d'envisager une suite à ces recherches dramaturgiques m'incita à prendre les choses autrement. J'abandonnais la mise en scène de textes au profit de la mise en scène d'un objet, de forme invariable, dont les proportions et l'allure étaient celles de cette chose insaisissable que nous avions nommé « Don Juan ». Je me consacrais désormais à mettre en scène cet objet qui me semblait receler toutes mes interrogations vis-à-vis de l'objet d'art.

C'était encore et encore la capacité de cet objet à apparaître ou à s'éclipser que j'interrogeais. Je m'intéressais plus encore à son aptitude — non moins intrigante — à entraîner avec lui dans la disparition les éléments de la réalité qui lui auraient été imprudemment associés. La vogue du in situ fut propice à ce projet, puisqu'elle encourageait l'indexation de l'œuvre à son contexte. Un objet aussi inconstant associé à telle ou telle « réalité » parvint quelquefois à les entraîner avec lui dans la disparition, et réussit à mettre en doute leur vérité même.